Nuit de décembre

 

 

Dans un ciel plein d’azur, les étoiles très pâles

Versaient des reflets d’or sur le toit des maisons,

Le vent soufflait furtif en rapides rafales

Dans les bois dépouillés de leurs frêles toisons.

 

Le tertre étincelait, durci, semé de givre.

Dans l’air de frais parfums s’envolaient, infinis,

Car les âmes des fleurs qui n’avaient pu survivre,

Erraient, souffles épars, sur les jardins ternis.

 

La forêt sommeillait ; les frênes et les ormes

Dressaient majestueux leurs troncs ternes et mats ;

Les bouleaux argentés, les châtaigniers énormes,

Oscillaient frémissants et chargés de frimas.

 

Décembre avait sculpté sur chacune des branches

Des gros chênes trapus qui s’étayaient entre eux,

Les cristaux les plus purs, les perles les plus blanches,

Et tout semblait paré pour quelque jour pompeux.

 

Les pommiers racornis le hibou miaule

Levaient leurs bras noueux, raides et solennels,

Et la brise soufflait dans le creux d’un vieux saule

Des chants naïfs et lents, doux comme des noëls.

 

Les feuilles des tilleuls, lourdes, appesanties

Et n’ayant plus leurs tons de rouille ni de vert

Étoilaient le gazon de leurs pâleurs d’hosties

Et roulaient sur le sol, atteintes par l’hiver.

 

Tout vibrait dans la nuit, el la voix d’une cloche

Parlait profonde et calme, au cœur du paysan.

Minuit sonnait très lent au village tout proche

Où des grilles de fer se fermaient en grinçant.

 

Des linges et des draps, secs, rigides et fermes

Gelaient sous le froid vif, accrochés dans les plants.

Et l’on voyait au loin, aux fenêtres des fermes,

Des lumières briller sous les lourds rideaux blancs.

 

Mais ce n’était plus là le feu terne des tourbes,

Mourant languissamment dans l’âtre ténébreux,

Ni la flamme qui monte en décrivant des courbes,

C’était un feu bien clair, pétillant et joyeux.

 

On devinait sans peine, à ses lueurs volages,

La bûche de Noël, flambant dans le foyer,

Et le flipp allumé, – ce punch de nos villages

Lançant sa flamme bleue aux meubles de noyer.

 

Au centre du hameau, parmi les feuilles vives,

L’église s’élevait, dans les branches de houx.

Des vagues de clartés tombaient par les ogives

Avec des bruits de chants, mystérieux et doux...

 

Et les orgues versaient leurs ondes triomphales

Dans un concert auguste et plein d’enchantement.

Le vent soufflait furtif, en rapides rafales,

Et l’Etoile brillait mystique au firmament.

 

Une aube de blancheur était dans la nuit fraîche,

Sur les buissons neigeux, au-dessus des vergers,

Dans les cours où montait comme une odeur de crèche,

Et l’on rêvait d’Enfant, de Rois et de bergers.

 

 

 

Adrien HUGUET.

 

Paru dans La Jeune Picardie en 1900.

 

 

 

 

 

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