Fragment de « La Morte »
Quand je rencontre encore une vierge aux yeux fiers
Qui dans ce mot : « Je t’aime », a compris l’univers,
Et qui sut conserver sa vertu légendaire,
Faire un acte de cœur, non une bonne affaire ;
Je veux m’agenouiller et baiser ses pieds nus,
Et lui dire tout bas : « Femme aux vœux ingénus !
Au nom des regards purs que nous jette l’aurore,
Au nom de ce qu’on prie et de ce qu’on adore,
Au nom de notre esprit par le temps rétréci,
Au nom des cœurs meurtris, ô ma fille, – merci !
Car l’amour, chère enfant, n’est pas une chimère :
C’est le rêve de feu, c’est l’âme de la terre,
C’est l’astre immaculé des plus riants matins,
C’est le cœur virginal de tous les cœurs humains ;
L’homme y met son plaisir et la femme sa vie,
L’enfant son blond sourire, et le vieillard l’envie.
Si nous sommes un rien sous le vaste ciel bleu,
Ce rien peut s’élever, par l’amour, jusqu’à Dieu. »
Casimir HULÉWICZ.
Paru dans L’Année des poètes en 1894.