Crainte

 

 

Qu’entends-je ?... une lente harmonie,

Comme un chant divin qui s’endort ;

C’est le signal d’une agonie,

C’est le glas, le glas de la mort.

 

Écoutez : la cloche ébranlée

Donne un lugubre tintement,

Et les échos de la vallée

Le répètent plaintement.

 

C’est doux, mais aussi que c’est triste !

Je me tais : tout frémit en moi,

Tout se glace, – rien ne résiste

Aux tressaillements de l’émoi.

 

Il me semble qu’à l’instant même

Mon espoir va s’évanouir,

Que l’on me prend tout ce que j’aime

Moi qui n’en ai pas pu jouir.

 

Donc, mon âme s’est envolée

Par de là les infinis bleus,

Et la cloche, à lente volée,

L’annonce à nous, les malheureux.

 

Ô Dieu ! cette âme, l’as-tu prise

Dans ton rayonnant paradis ?

Oui, celle que la douleur brise,

Tu la reçois, tu nous le dis !

 

Nous voulons croire que personne

Après la mort n’a de regret...

Mais si c’était pour toi qu’il sonne,

Ô cœur, mon cœur, serais-tu prêt ?

 

 

 

Fernand JABAS.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1890.

 

 

 

 

 

 

 

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