Adoration de la crèche
Mon Dieu est dans son berceau ; mon Dieu est un tout petit enfant des pauvres. Son berceau est un peu de paille : on l’a posé là-dessus parce qu’il n’y a rien que la misère et la nuit. Il n’y a pas de berceau. C’est une bien petite famille de menuisier en voyage, qui s’est réfugiée dans une grotte : il fait froid ! il fait moins froid à cause des bêtes ; les bêtes donnent toujours un peu de chaleur. Il fait nuit, mais avons-nous besoin de chandelles ? Le corps de cet enfant donne une grande lumière les animaux clignent de l’œil, Joseph le bon menuisier, est ébloui ; il joint ses grosses mains, la Mère Marie est toujours calme, heureuse, souriante. Que je voudrais être de ceux qui entrent ici : ce sont de petites gens comme moi, des hommes de la campagne, de braves gens qui surveillaient des bêtes et que les anges ont avertis ; ils ont cru sans hésiter et ils se sont mis en marche. Oh ! j’aurais cru, moi aussi, cher Seigneur ! Pourquoi ne m’as-tu pas fait naître en ce temps-là : je t’aurais embrassé tes petits pieds satinés et je t’aurais suivi toute la vie. Je ne demande pas à être roi, et mage comme ceux-ci qui arrivent avec tant d’éclat dans notre misère. Voilà une grande surprise pour nous ils sont à Dieu et Dieu les aime : je ne demandais pas la gloire de t’apporter des présents, mais être dans un coin derrière les bergers et sentir le bonheur de ta naissance qui illumine. Admirez les rois qui se sont inclinés devant l’enfant pauvre ; aimez la pauvreté et l’innocence.
Max JACOB, La défense de Tartufe, Gallimard.