Ô Créateur

 

 

Déchirez les ténèbres avec le verbe lumineux,

Ô créateur. Que les sages vous écoutent !

Que les anges vous suivent avec l’élite

des génies ailés, ô Créateur !

Mon pauvre amour vous retient captif

et mon œil vous regarde à la dérobée, ô créateur !

Je me tiens rougissant avec le sourire de l’amour.

Trésor commun des amants du Seigneur vagabond,

ô créateur ! Je vous aperçois et la honte me fait minauder.

Offusqué par mon manque d’égards,

que direz-vous de moi, ô créateur ?

La jalousie me brise, car les amants du Seigneur

l’assiègent et le Seigneur les consume, ô créateur.

Ce qui me consume, c’est les serpents de ma gorge !

Comment supporter d’être séparé du Seigneur,

quand l’univers n’est qu’un bourdonnement de mouches empoisonnées ?

 

Mon lit sous les rayons de ton ostensoir d’or,

ô créateur, les arbres se penchent pour t’adorer.

À mon réveil je n’ai d’autre soleil

et pendant la nuit pas d’autre lune.

Mes premiers pas vers toi jusqu’à ce qu’elle tombe,

la grâce de tes rayons d’arc-en-ciel.

Comme elle tarde à venir !

Sur mes membres elle passe et repasse.

Et les hallucinations de la nuit et la fièvre de l’attente

et les rats des ténèbres s’enfuient à ton approche,

ô créateur ! me voici expirant à tes pieds.

Je porte mon haleine exténuée comme un flambeau,

j’éparpille mes regards, et je regarde ton ostensoir d’or,

ô créateur méconnu.

 

 

 

Max JACOB.

 

Extrait de Sacrifice Impérial, Éditions de l’Horloge.

 

 

 

 

 

 

 

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