Renoncer à toute richesse
Ce soir-là mes œuvres futures craquaient au soleil de l’amour
c’est de Gabrielle ma sœur que j’espère la délivrance
Toutes les vertus m’attendaient le long du trottoir des gares
elles m’attendent à s’en maigrir
elles m’attendent en silence
Prenons garde aux pièges d’Arès
les trains ne mènent nulle part
Jardins jumeaux au tire-ligne
s’ils étaient ma propriété
justes jardins comme une épure
je viendrais si j’en étais digne
je viendrais y passer l’été
Routes ne me sont que déroutes
et je ne tiens pas aux cigares
âme hélas si lasse lasse
des fourrures qui la matelassent
et des fourches de l’habit noir
de tant et tant d’amis il ne reste que toi
éternel shampooing de la Lune
Conservez-moi l’orgueil des jeunesses lacustres
qui cueillent des moissons sur les pavés de bois
je veux écouter les marteaux de cet outil blanc la prière
Je veux – ventes à longs crédits –
combiner une meurtrière
dans le cristal du Paradis
Max JACOB.
Paru en 1926 dans Le Roseau d'or.