Solitude
Regarde-moi ! N’es-tu pas l’être de la terre
Qui, le plus près de moi, m’aime et me « sait » le plus !
Regarde-moi ! De tes yeux clairs et résolus
Cherche ma vérité qui s’obstine à se taire...
Et moi, moi qui me crois le sûr dépositaire
De cet esprit dont Dieu marque au front ses élus,
À mon tour je découvre aussi que tu m’exclus
De ton intimité certaine et solitaire...
Seuls ! L’un et l’autre, seuls ! effroyablement seuls !
Et lorsqu’au Jugement, debout dans nos linceuls,
Nous dirons nos deux existences parallèles,
Nous réaliserons, devant l’Éternité,
L’irrachetable erreur d’avoir pour nous été
Les mortels artisans de douleurs immortelles.
JACQUES-NOIR.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.