Bernadette de Lourdes

 

 

Le sept janvier, l’an mil huit cent quarante-quatre,

Bernadette éclaira le plus obscur des âtres.

 

Elle naquit des Soubirous, dans un moulin

Qui ne suffisait pas à leur donner le pain.

 

Timide, souffreteuse, intelligente et sage,

Dès huit ans elle alla veiller aux pâturages.

 

Grotte de Massabielle ! À jamais des troupeaux,

Mais des troupeaux humains, remplacent ses agneaux.

 

Au lieu où, aujourd’hui, brûlent cent mille cierges,

Un pan du Ciel s’ouvrit ; cette enfant vit la Vierge.

 

Ce qu’ici-bas refuse Dieu aux tout-puissants,

Il en a ébloui ce cœur de quatorze ans.

 

L’églantier s’embrasa sous les pieds qu’on honore.

Bernadette pâlit, les yeux vers cette Aurore.

 

C’est depuis lors qu’avec des sanglots dans la voix,

Toutes les nations tombent les bras en croix ;

 

Que le gémissement de la souffrance humaine

A remplacé le cri des brebis qu’on promène ;

 

Que la mère à la Mère offre son fils mourant ;

Que la lèpre guérit dans le flot transparent ;

 

Que la douleur intime, au fond de nous cachée,

Se fond dans le parfum pieux de la vallée ;

 

Que l’artiste, échappant à un dernier écueil,

Devant un art naïf dépose son orgueil.

 

Là j’ai vu, dans la nuit solennelle et superbe,

Un peuple qui campait et qui dormait sur l’herbe.

 

J’ai vu, dans cette nuit, un évêque à l’Autel

Officier sous les feux que charriait le ciel.

 

J’ai vu ce peuple se lever comme un seul homme,

La bouche vers ce Dieu où la mort se consomme.

 

C’était vous, Bernadette, ô pauvresse à genoux !

Qui, morte, à votre tour, vous révéliez à nous.

 

 

 

Francis JAMMES,

Les géorgiques chrétiennes, chant IV.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie catholique

de Villon jusqu’à nos jours, publiée et annotée

par Robert Vallery-Radot, Georges Grès & Cie, 1916.

 

 

 

 

 

 

 

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