Prière pour aimer la douleur
Je n’ai que ma douleur et je ne veux plus qu’elle.
Elle m’a été, elle m’est encore fidèle.
Pourquoi lui en voudrais-je, puisqu’aux heures
où mon âme broyait le dessous de mon cœur,
elle se trouvait là assise à mon côté ?
Ô douleur, j’ai fini, vois, par te respecter,
car je suis sûr que tu ne me quitteras jamais.
Ah ! Je le reconnais : tu es belle à force d’être.
Tu es pareille à ceux qui jamais ne quittèrent
le triste coin de feu de mon cœur pauvre et noir.
Ô ma douleur, tu es mieux qu’une bien aimée :
car je sais que le jour où j’agoniserai,
tu seras là, couchée dans mes draps, ô douleur,
pour essayer de m’entrer encore dans le cœur.
Francis JAMMES, Le deuil des primevères, 1898-1900.