Prière pour louer Dieu

 

 

La torpeur de midi. Une cigale éclate

dans le pin. Le figuier seul semble épais et frais

dans le brasillement de l’azur écarlate.

Je suis seul avec vous, mon Dieu, car tout se tait

sous les jardins profonds, tristes et villageois.

Les noirs poiriers luisants, à forme d’encensoir,

dorment au long des buis qui courent en guirlandes

auprès des graviers blancs comme de Saintes-Tables.

Quelques humbles labiées donnent une odeur sainte

à celui qui médite assis près des ricins.

Mon Dieu, j’aurais, jadis, ici, rêvé d’amour,

mais l’amour ne bat plus dans mon sang inutile,

et c’est en vain qu’un banc de bois noir démoli

demeure là parmi les feuillages des lys.

Je n’y mènerai pas d’amie tendre et heureuse

pour reposer mon front sur son épaule creuse.

Il ne me reste plus, mon Dieu, que la douleur

et la persuasion que je ne suis rien

que l’écho inconscient de mon âme légère

comme une effeuillaison de grappe de bruyère.

J’ai lu et j’ai souri. J’ai écrit, j’ai souri.

J’ai pensé, j’ai souri, pleuré et j’ai aussi

souri, sachant le monde impossible au bonheur,

et j’ai pleuré parfois quand j’ai voulu sourire.

 

Mon Dieu, calmez mon cœur, calmez mon pauvre cœur,

et faites qu’en ce jour d’été où la torpeur

s’étend comme de l’eau sur les choses égales,

j’aie le courage encore, comme cette cigale

dont éclate le cri dans le sommeil du pin,

de vous louer, mon Dieu, modestement et bien.

 

 

 

Francis JAMMES, Le deuil des primevères, 1898-1900.

 

 

 

 

 

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