Dans un amoureux élan
dans un amoureux élan
et sans manquer d’espérance
je volai si haut si haut
que ma proie je l’atteignis
pour que je pusse atteindre
le but de cet élan divin
tant voler il me fallut
que de vue je me perdisse
et malgré tout en cet exploit
en plein vol je défaillis
mais l’amour lui fut si haut
que ma proie je l’atteignis
quand plus haut je m’élevais
ma vue en fut éblouie
et la plus forte conquête
à l’obscur s’accomplissait
mais l’amour donnait l’élan
d’un aveugle et obscur saut
et je fus si haut si haut
que ma proie je l’atteignis
d’autant plus haut je parvenais
de cet élan si sublime
d’autant plus bas et rendu
et abattu je me trouvais
je dis nul ne saurait atteindre
et m’abattis si bas si bas
que je fus si haut si haut
que ma proie je l’atteignis
d’une étrange manière
mille vols je fis d’un vol
car l’espérance du ciel
autant obtient qu’elle espère
je n’espérai que cet élan
et en l’espoir ne fut défaut
puisque je fus si haut si haut
que ma proie je l’atteignis
Saint JEAN DE LA CROIX.
Traduction de Benoît Lavaud, o. p.
Paru dans Les Cahiers du Rhône, avril 1942.