Je sais bien
je sais bien moi la fontaine qui coule et court
malgré la nuit
cette éternelle fontaine est cachée
je sais bien moi où elle a sa retraite
malgré la nuit
son origine je ne la sais car elle n’en a
mais je sais que toute origine vient d’elle
malgré la nuit
je sais que ne peut être chose tant belle
et que ciel et terre boivent d’elle
malgré la nuit
bien sais-je que fond en elle ne se trouve
et que nul à gué ne la peut passer
malgré la nuit
sa clarté jamais n’est obscurcie
et je sais que toute lumière d’elle est venue
malgré la nuit
je sais ses courants être si puissants
qu’ils arrosent enfers et cieux et peuples
malgré la nuit
le courant qui naît de cette fontaine
bien le sais-je aussi ample et tout-puissant
malgré la nuit
le courant qui de ces deux procède
je sais qu’aucun deux ne le précède
malgré la nuit
cette éternelle fontaine est cachée
en ce pain vivant pour vous donner la vie
malgré la nuit
elle y est appelant les créatures
et elles de cette eau se rassasient mais à l’obscur
car c’est la nuit
cette vive fontaine que je désire
en ce pain vivant je la vois
malgré la nuit
Saint JEAN DE LA CROIX.
Traduction de Benoît Lavaud, o. p.
Paru dans Les Cahiers du Rhône, avril 1942.