Rosa mystica
Ô jeune rose épanouie
Près du tabernacle immortel,
Vierge pure, tendre Marie,
Douce fleur des jardins du ciel ;
Ô toi qui sais parfumer l’âme
Mieux que la myrrhe et le cinname,
Et l’encens même du saint lieu ;
Ô toi dont la grâce est l’empire,
Toi qui ramènes d’un sourire
Le pardon aux lèvres de Dieu !
Mère du Christ, reine de l’ange,
Oh, laisse tomber jusqu’à nous
Cette auréole sans mélange
Que nous demandons à genoux ;
Cette lumière intérieure
Qui fait que la vie est meilleure
Et le poids du siècle moins lourd,
Lumière féconde en délice,
Où le cœur boit à plein calice
Les ivresses d’un pur amour !
Hélas ! il est tant d’amertume,
Tant de douleurs à consoler,
Tant d’êtres qu’un chagrin consume
Et qui n’osent le révéler !
Leur existence est si troublée
Que la pierre du mausolée
Brille à leurs yeux comme le port,
Et que vaincus par la tempête,
Ils ne veulent poser la tête
Que sur l’oreiller de la mort.
Ô Vierge ! écoute leur prière,
Sois indulgente et souris-leur ;
N’abandonne pas sur la terre
Ces déshérités du bonheur.
Sois leur appui, sois leur patronne ;
Que ton bras sûr les environne
Et défende leur doux sommeil ;
Relève, relève, ô Marie,
Chaque fleur mourante et flétrie
Qui n’a point de place au soleil.
JEAN DE LA CROIX.
Hymne traduite par Édouard Turquety.
Recueilli dans Rosa mystica :
Les poètes de la Vierge,
du XVe au XXe siècle, s. d.