Consolation

 

 

Relève, pauvre ami, ta paupière baissée,

Livre ton front brûlant à la brise des cieux :

Je sais quelle douleur oppresse ta pensée...

              Viens ! suis-moi bien loin d’eux !

 

Puisqu’ils n’ont rien compris à ton divin langage,

Puisque de tes désirs leur orgueil est blessé,

Puisqu’ils veulent sans Dieu poursuivre le voyage,

              Puisqu’ils t’ont repoussé ;

 

Puisqu’ils n’ont pas senti quelque fibre secrète,

Tandis que tu parlais, s’émouvoir en leur sein ;

Puisque tes yeux ont vu sur leur bouche muette

              Le rire du dédain ;

 

Puisque jamais leurs cœurs (ô pénible mystère !)

D’un désir infini ne se sont enflammés ;

Puisqu’ils n’ont pas besoin pour être heureux sur terre

              Que Dieu les ait aimés :

 

Va, ne les trouble plus ; c’est moi qui t’en conjure :

Reprends seul, pauvre ami, ton lumineux sentier.

Remporte fièrement ta flamme toute pure

              Et ton trésor entier !

 

Et si Dieu qui nous voit, Dieu père auguste et tendre,

Dont l’amour a besoin de notre encens pieux,

De leur cœur endurci ne peut plus rien attendre,

              Nous, nous l’aimerons mieux.

 

La palme du combat ne te fut point ravie ;

Oh ! tu n’es pas vaincu, si le nom du Sauveur,

Ce nom qu’ils ont proscrit et chassé de leur vie,

Est resté dans ton cœur.

 

Va, si leurs doigts de glace ont pu froisser ton aile,

Peuvent-ils maintenant arrêter son essor ?

Regarde : peuvent-ils de la croix immortelle

              Ternir les rayons d’or ?

 

Peuvent-ils étouffer cette voix suppliante

De l’orgue saint qui pleure et qui prie en chantant,

Et fait monter l’esprit comme l’onde écumante

              Lève un vaisseau flottant ?

 

Peuvent-ils empêcher le malheureux de croire,

Et le petit enfant de tomber à genoux,

Le pauvre de sourire à la céleste gloire,

              Dieu de venir à nous ?

 

 

 

Marie JENNA,

Élévations poétiques et religieuses,

1880.

 

 

 

 

 

 

 

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