La croix du chemin

 

 

Lorsqu’un char nous emporte au matin d’un beau jour,

Et sous nos yeux ravis fait passer tour à tour

Les épis ondoyants, les touffes d’églantines,

Les faucheurs dans les prés, les bois et les collines,

Ah ! qu’il est doux de voir apparaître soudain

Le signe de la croix sur le bord du chemin !

La croix ouvrant ses bras à la misère humaine,

La croix planant sur nous triomphante et sereine,

Et mêlant, sous l’éclat de la nature en fleur,

À l’ivresse des yeux cette extase du cœur !

Terre, chante avec nous l’hymne de délivrance ;

Reparais dans l’aspect de ta jeune innocence.

Verse à flots tes parfums et tes rayons de feu :

Resplendis, ô nature ! en face de ton Dieu.

Avant que l’homme ait pu laver son front coupable,

Avant qu’ait résonné cette voix ineffable

Qui révéla le ciel à son cœur abattu,

De cet encens sacré, terre, que faisais-tu ?

Mais le grand sacrifice a levé l’anathème :

Dieu s’est penché vers nous ; Il pardonne ; Il nous aime !

Ainsi l’âme tressaille en face de la croix ;

Ainsi chantent pour nous les plaines et les bois ;

Ainsi tout ce qu’on voit, l’on pense, l’on écoute,

Tout le trésor de paix recueilli sur la route,

Dès que nous apparaît la douce vision,

À ses pieds se transforme en adoration !

 

 

 

Marie JENNA,

Élévations poétiques et religieuses,

1880.

 

 

 

 

 

 

 

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