Le prêtre
À ces fragiles biens qu’ici-bas l’homme espère,
À la gloire, aux plaisirs,
Il a fermé son cœur, et des bruits de la terre
N’entend que les soupirs.
Comme un aigle qui monte aux plaines inconnues
Et se baigne de feu,
Longtemps son âme aussi, les ailes étendues,
Se pénètre de Dieu.
Puis, quand des voix du ciel il sent en sa poitrine
Vibrer l’écho profond,
Quand l’auguste reflet de la face divine
Illumine son front ;
Lorsque le crucifix s’est en traits ineffables
Imprimé sur son cœur,
Et qu’un amour céleste, héroïque, indomptable,
L’emplit de son ardeur,
Il vient ! Les affamés de la manne de vie
L’attendent à genoux,
Et la source limpide où sa voix nous convie
S’épanche à flots sur nous.
Vers l’humble, vers l’enfant, souriant, il abaisse
Sa douce majesté
On dirait que la femme en lui met sa tendresse,
L’ange, sa pureté.
Et le pauvre, accablé du poids de sa misère,
En verse la moitié
Dans ce vase formé d’amour et de lumière,
De force et de pitié.
Ô saint médiateur, ô messager sublime,
Prêtre, nous l’avons vu
Relever le pécheur du fond de son abîme
Pour en faire un élu ;
Tendre ta noble main sur chaque tête humaine
Que l’on ose opprimer,
Et de ton ennemi décourager la haine
À force de l’aimer.
Prêtre, nous t’avons vu te pencher sur la couche
Du pauvre abandonné,
Sans craindre en lui parlant d’aspirer de sa bouche
Le souffle empoisonné.
Auprès du meurtrier que le remords oppresse,
Nous t’avons vu t’asseoir,
Et du sombre captif, en indicible ivresse,
Changer le désespoir.
En entendant monter de ce morne silence
Des hymnes de bonheur ;
En voyant tout à coup déborder l’espérance
Des coupes de douleur ;
En suivant pas à pas ce sillage de grâce
Que le prêtre a laissé,
Les mondains étonnés se disent à voix basse
Eh ! qui donc a passé ?
Marie JENNA,
Élévations poétiques et religieuses,
1880.