Souvenir de l’océan
Si j’étais au bord du rivage
À cette heure où descend le soir !
Si sur le sable de la plage
Un instant je pouvais m’asseoir !
Ô vaste mer, onde écumeuse,
Un instant si je pouvais voir
Trembler l’écharpe lumineuse
De la lune sur ton sein noir !
Si je pouvais mêler mon âme
Au long murmure de tes eaux,
Laissant ses vœux flotter sans rame
Comme les feuilles des roseaux !
Elle irait, se livrant entière
Au flot qui roule, à l’air, au vent,
Ou bien planerait, calme et fière,
Entre l’onde et le firmament.
Quels gouffres cachent tes abîmes ?
Quels freins retiennent ton courroux ?
Où s’en vont tes élans sublimes ?
Ô bruits profonds, que dites-vous ?
Ton flux jamais ne se repose
Un moment sur son lit sablé.
Le temps, qui calme toute chose,
Passe en vain sur ton sein troublé.
On dirait que le flot qui gronde
A gardé sa sainte frayeur,
Océan, depuis que ton onde
A vu la face du Seigneur.
Grande mer, tandis que l’œil reste
Immobile à ta majesté,
Mon âme allait, fille céleste,
Chercher une autre immensité ;
Car sur les grèves solitaires,
Comme au portique du saint lieu,
Tous mes soupirs sont des prières
Et tous mes rêves vont à Dieu.
Marie JENNA,
Élévations poétiques et religieuses,
1880.