Sonnets à la Vierge
I
MARIE, un soir, priait dans l’humble allée,
Parmi les lis levant leurs fronts si beaux ;
L’air des hauteurs emportait en lambeaux
Leurs doux parfums au fond de la vallée.
Elle priait, toute l’âme envolée
Vers l’ample voûte aux mystiques flambeaux ;
On entendait par instants les rabots
Du charpentier Jésus de Galilée.
Elle priait ; et les êtres de Dieu,
Tout ce qui vit sous le firmament bleu,
Les déserts blonds, les mers aux vertes lames,
Chantaient : « Ô Vierge ! Ô Mère des Douleurs !
Soyez bénie entre toutes les femmes,
Et soyez belle entre toutes les fleurs ! »
II
DANS l’ombre bleue où montaient les cinnames,
C’était le cri des Archanges vainqueurs,
Ton hymne immense, ô Nuit des temps meilleurs,
Et c’est encor la chanson de nos âmes :
« Entre les lis et les roses en flammes,
Entre vos sœurs d’Israël ou d’ailleurs,
Soyez bénie, ô Mère, en tous nos cœurs,
Et belle aux plis des blanches oriflammes !
Et, pour chanter votre chaste beauté,
Inspirez-moi, Reine de pureté,
Votre poète, humblement, vous en prie ;
Faites qu’un soir, murmurant votre Nom,
Calme, il s’endorme, ô Madame Marie,
Entre vos bras, comme François Villon. »
III
JE ne suis rien, Vierge Sainte, et ma vie
N’est que laideur et que nuit sans rayon,
Mais quand viendra, Pure Conception,
Pour moi la mort redoutable et bénie,
Pour embaumer ma dernière agonie,
Inclinez-vous, ô Rose de Sion,
Quand, trébuchant au bout de mon sillon,
Je tomberai dans l’angoisse infinie.
Et, vous penchant, dites : « Mais je connais
Ce petit-là, ce rimeur de sonnets... »
Et guidez-moi vers la Joie éternelle.
Oh ! Savourer, bien las d’espoirs déçus,
La paix des cieux et reposer en elle,
Sur le Cœur même où s’endormait Jésus !
Émile JOULAIN.
Paru dans la revue Marie
en novembre-décembre 1950.
(Ces poèmes obtinrent le 1er prix
aux Concours de Poésie mariale
du Puy des Palinods de Rouen.)