Ruine

 

 

Nous, les morts prolongés respirant à l’étage

Le plus haut de cette ruine de la mer

Nous regardons la mer qui brasse dans la vague

Prolongée et diurne et nocturne et amère

La faute nue du peuple impardonnable.

 

Ah coutumes des morts logés dans la ruine !

Tandis que prolongés encor par l’épaisseur

Ils mangent les débris, le vent de la famine

Aux trahisons douleurs ajoute un ciel de fer,

Jusqu’aux monts de la mer et d’une beauté vile.

 

Fermez le monde ainsi qu’un papier de police

Sur les âmes très vraies et pures de la guerre,

Montagnes de défaite ! emplies de ces détails

Meubles, travaux perdus, femmes mortes et fêtes

 

Entretiens anciens, spirituelle terre,

Mesures des vieillis escaliers des siècles,

Corps excavations de la douceur bien blonde,

Maison de Méryon, aux cloches très profondes.

 

 

 

Et tombeau déguisé sur le sol de la mer

Regardons-nous : ces chambres sans honneur

Ne sont plus que les os de poussiéreuse chambre

Et passent les nuages

De pestilence au cours des corridors secrets

 

Et les pans de muraille ainsi que bombardés

Sont suspendus dit-on à l’air de la misère

Minute de l’excès d’écroulement suprême !

Tandis qu’en le caveau sous les pieds de la terre

Dort la Croix, à ce temps inclinée par la haine.

 

 

 

Pierre Jean JOUVE.

 

Paru dans Les Cahiers du Rhône, avril 1942.

 

 

 

 

 

 

 

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