Psaume de misère
Voici réalisée, ô Vierge Marie – la prophétie redoutable :
Sans douleur vous L’aviez mis au jour – dans la nuit douce-amère de l’étable ;
C’est l’heure à présent du cri et de la déchirure – aujourd’hui même vous accomplissez votre Enfant.
Enracinée sur la terre et dans le ciel – enracinée au cœur glacé de la pierre et au cœur de la Maman.
La Croix dans le même temps délivre sa Fleur et son Fruit – ce Fruit qui était vôtre avec le Saint-Esprit – la Croix pour nous le donner vous l’a pris.
Ô Notre-Dame des Angoisses – voici nos douleurs à cause desquelles nous pourrons voir Dieu.
Broyez l’orgueil de nos refus – et que par votre grâce elles nous ouvrent les yeux !
Soyez préposée à la source des larmes – ouvrez leur flot sur de nobles tristesses.
Que Votre Amour si mal aimé – nuit et jour nous occupe et nous blesse.
Pour nous empêcher de le porter à la légère – rendez brûlant le tissu de nos péchés.
L’ange Légion sans cesse est agriffé à notre chair – il nous a mis à nu et desséchés.
Mais souvenez-vous qu’au plus creux de nos songes – et dans l’affolement des plus navrants sortilèges,
À contrecœur loin de l’aubépine et de l’étoile – nous gémissons de voir si haute votre neige !
Henry de JULLIOT.
Recueilli dans Notre-Dame des poètes,
anthologie réunie et présentée par Joseph Barbier
(Robert Morel éditeur, 1966).