La Vierge Marie

 

Peinture paysanne de Dalécarlie

 

 

Elle descend dans les prés à Sjugarebyn,

C’est une petite paysanne au teint de fleur d’amandier

Comme la fleur d’amande et d’églantier, loin des routes et des villages,

jamais l’on ne marche, où jamais la poussière ne se lève.

Sur quels sentiers as-tu marché, que le soleil ne te brûle pas ?

Qu’as-tu rêvé, Marie, dans ton jeune cœur ? Qu’as-tu senti

Pour que ton sang ne brûle pas comme celui des autres ?

Une étrange lueur entoure tes cheveux nus

Et ton front est semblable à l’arc de la lune

Lorsque, au-dessus des coteaux de Dalécarlie, elle marche blanche et penchée

Luisant à travers le prunellier en fleurs.

 

Voici que le vent du soir apporte sa fraîcheur au pré des ancolies

Et les jaunes clochettes des lys sonnent l’angélus et la paix ;

C’est à peine si le cheval du pré hennit, si l’agneau du parc bêle ;

C’est à peine si l’on entend pépier les nids d’hirondelles et les bosquets.

Maintenant les jeunes Dalécarliens vont par couples ;

Mais toi, élue entre toutes et désirée par tous,

Pourquoi vas-tu donc si seule et si pensive ?

Tu es comme la jeune fille revenant de sa première communion

Et qui, le cœur ému, veut veiller dans la nuit de la Pentecôte

Pour penser à nouveau aux paroles entendues

Et pour se souvenir du miracle qu’elle a goûté.

Reviens, reviens, Marie, car il est tard.

Ta mère s’inquiétera si tu te promènes seule.

Tu es jeune et frêle comme la branche du saule

Et dans la forêt erre l’ours qui frappe.

 

La rose que tu tiens, n’est-ce pas ta seule protection ?

Un ange te l’apporta d’un jardin bienheureux,

Ainsi tu peux marcher sur les serpents et les épines.

Oui, le rayon de lumière qui dans le crépuscule

Descend du ciel et brille sur le lac,

Si tu voulais, en épouse de Dieu,

Tu pourrais emprunter ce pont de lumière

Pour aller, ce soir même, au paradis.

 

 

 

Erik Axel KARLFELDT.

 

Traduit par C. G. Bjurström et A. Mathieu.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise,

choix, traduction, introduction et notes

par Jean-Clarence Lambert, Seuil, 1971.

 

 

 

 

 

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