La fiancée noyée dans l’Erdre
La nuit est sombre....
On voit dans l’ombre
Un jouvenceau,
La voix éteinte,
Dire une plainte
Sur un tombeau.
« Auprès de l’Erdre
« J’aime à me perdre,
« Ivre d’espoir,
« Loin de la terre,
« Dans le mystère
« D’un songe noir.
« Là, dans mes rêves,
« Le long des grèves
« Je suis sur l’eau
« Ma fiancée,
« Des vents bercée
« Dans son bateau.
« Son doux sourire
« Semblait me dire
« Le ciel est beau,
« Quand d’un nuage
« Soudain l’orage
« Descend sur l’eau.
« Sombre est la brise ;
« L’onde se brise.
« Tout à l’entour :
« La nef s’engouffre
« Au fond du gouffre !.....
« Plus de retour.......
« Le flot sauvage,
« Sous cet ombrage
« Semé de fleurs
« Roule ses restes !......
« Esprits célestes,
« Voyez mes pleurs !!!
« Plus d’espérance,
« Rien que souffrance,
« Bonheurs perdus ;
« Toujours je l’aime :
« Les rochers même
« En sont émus !
« Dieu que j’implore,
« Rejoins encore
« Deux cœurs aimants ;
« La mort m’invite,
« Ouvre-moi vite
« Tes firmaments......... »
Telle est sa plainte
Qui s’est éteinte
Au bord de l’eau ;
L’écho sonore
Soupire encore
Sur le tombeau !
Mme Marie de KERHARDÈNE.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1859.