En lisant un psaume
La terre palpite, et d’un bout à l’autre
De l’éther gronde et roule le tonnerre.
C’est la voix de Dieu ; il juge le monde :
Israël, ô Mon peuple, écoute-moi !
Israël, tu m’offres des sanctuaires,
Et tes sanctuaires éclatent d’or.
Et tout, en eux, n’est que fumées d’encens,
Et jour et nuit il y brûle des feux.
Que m’importent leurs voûtes somptueuses,
La pierre morte et la poudre terrestre ?
N’aI-je point créé la terre et les eaux,
Mes doigts n’ont-ils pas dessiné le ciel ?
Que je le veuille, et d’un seul mot j’accrois
Les merveilles pour vos yeux invisibles,
Et j’édifie une autre immensité
Par-delà l’immensité de mes cieux.
Que m’importe cet or ? Au fond du sol,
En la matrice éternelle des roches,
Ainsi qu’un flot d’averse j’ai coulé
Le métal parmi les flammes fondu.
Il brûle et s’y rebelle, captif
Aux fers des ténébreuses profondeurs ;
Mais cet argent, cet or que vous m’offrez,
Ne sont que l’écho de ces flots ardents.
Que m’importent ces fumées ? Devant moi
Toute la Terre, ainsi qu’un encensoir,
Balance parmi les rosées l’haleine
De tant de fleurs aux arômes suaves !
Que m’importent ces feux ? N’est-ce pas moi
Qui mis sur votre front le feu des astres ?
Et moi qui, d’un foyer plein d’étincelles,
Dans l’ombre des soirs semai les étoiles ?
Maigres dons que les tiens !... Il en est un
Sans prix, un don nécessaire à ton Dieu :
Présente-le moi, et, faisant la paix,
Moi j’accueillerai tous tes autres dons :
J’ai besoin d’un cœur plus pur que l’or même,
D’une volonté forte dans l’épreuve ;
Je veux que le frère aime enfin le frère,
Et qu’aux jugements règne la justice...
Aleksei Stepanovitch KHOMIAKOV.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.