Chacun a son destin
Douleur et plaisir ensemble font chemin,
Bonheur, malheur se suivent pas à pas,
Succès et insuccès se tendent la main,
Soleil sans nuages n’existe pas !
L’or de la terre
N’est que poussière,
Seul le ciel est plein d’une joie entière.
Sur couronnes et sceptres joue la lumière,
Mais le manteau royal n’est pas un jeu !
Mille fardeaux dans les couronnes s’insèrent,
Mille soucis dans le sceptre pompeux !
Le toit des rois
Abrite émoi !
Seul le ciel paix et vrai bonheur octroie !
Rien ne connaît ici qu’un bonheur changeant !
Chacun peut sentir son deuil au cœur !
Plus d’une poitrine où brille des diamants
Dans son secret déborde de douleur !
Chacun son lot,
Petit ou gros !
Au ciel seul on n’entend pas de sanglots !
Empire et sagesse et temporel honneur,
Vigueur du corps, florissante jeunesse,
Peuvent porter haut leur front dominateur,
Tôt ou tard sans merci ils disparaissent !
Tout ici-bas
A son trépas,
Seule la joie du ciel demeurera !
La plus belle rose a la plus dure épine,
Les plus belles fleurs un fatal venin,
Un cœur se flétrit sous la plus fraîche mine,
Qu’étrange est le partage du destin !
Notre barque est
Des flots le jouet,
Seul le ciel offre une rade de paix.
Eh bien ! jamais plus je ne veux m’épuiser
À tout diriger selon mon désir !
Nul souci jamais ne pourra me briser,
Et rien ne fera mon cœur défaillir !
Au loin ma pein’
De joie la grain’
Bientôt germera aux jardins d’Éden !
Le chagrin fera naître une joie constante,
La quenouille des pleurs se videra !
Misère vêtira la plus riche mante,
Le malade guéri se lèvera !
Envie va seoir
Dans un coin noir,
Mais seul le ciel possède un tel pouvoir !
Que donc mon destin et ma fortune soient
Ce que les veut mon Seigneur et mon Dieu,
Laissons l’envie cracher son fiel sur sa proie,
Le monde finir de jouer son jeu !
Au temps rapide,
L’ensouple vide,
Le ciel à jamais fera tourner bride !
Thomas KINGO, Chœur spirituel.
Traduit par Pierre Naërt.
Recueilli dans Anthologie de la littérature danoise,
Aubier-Montaigne, 1964.