Ode au Rédempteur
J’ai placé mon espérance en toi, divin Médiateur, et j’ai chanté l’hymne de l’alliance nouvelle. Me voici arrivé au terme de cotte redoutable carrière ; j’ai chancelé souvent, mais tu m’as pardonné mes pas chancelants.
Reconnaissance éternelle et profonde, fais entendre les premiers accords de la harpe. Commence ! commence ! Mon cœur se dilate et mes yeux sont inondés de larmes de joie.
Je ne te demande aucune récompense ; en te chantant, divin Médiateur, la force primitive s’est réveillée au fond de mon âme, et j’ai goûté le bonheur des anges.
Émotion puissante, vous avez fait disparaître devant moi le ciel et la terre. Mais à travers votre vol, terrible comme la tempête, le souffle de la vie, semblable au murmure d’une matinée de printemps, m’est arrivé avec la plus douce sensation.
Vous ne comprenez pas toute l’étendue de ma reconnaissance ; vous qui ne savez pas la deviner ; vous qui ne sentez pas que, pour exprimer son ravissement, l’homme n’a que des sons confus et des mots entrecoupés.
J’ai été largement récompensé : j’ai vu couler les larmes des chrétiens, et j’ai pu élever mes regards vers les larmes que versèrent les habitants du ciel.
J’ai goûté aussi les joies de la terre. C’est en vain que je chercherais à cacher l’ambition qui remplit mon âme ! Il battait haut, le cœur de l’adolescent ; devenu homme, j’appris à régler ses mouvements impétueux.
L’amour de toutes les gloires, de toutes les vertus, tell est la flamme que je me suis choisie pour guide ; puissante et sainte, elle a marché devant moi, elle a conduit mon ambition sur une noble route.
C’est elle, c’est cette flamme céleste qui empêcha les joies de la terre de m’enivrer de leurs appas dangereux ; c’est elle aussi qui m’a sans cesse ramené au bonheur des anges.
Et pour réveiller dans mon âme le souvenir de l’heure sainte de mon initiation aux mystères des cieux, les anges firent sonner à mon oreille le son harmonieux de leurs harpes, et l’appel tonnant de la trompette redoutée.
Me voici arrivé au but, je le sens, et mon âme tressaille. Nobles frères de celui qui mourut et se réveilla de la mort, s’il était possible au langage des mortels de peindre les émotions divines, je vous dirais : « Ce que j’éprouve en ce moment, vous l’éprouverez tous quand les cieux s’entrouvriront pour vous. »
Ton bras puissant, ô divin Médiateur ! m’a fait passer devant plus d’une tombe qui déjà se creusait pour moi.
Tu m’as retenu à la vie, tu m’as donné le courage de braver les ombres menaçantes de la mort, qui planaient autour de moi. Je les ai à peine entrevues, ces terribles inconnues ; elles ont été forcées de fuir, car tu étais mon égide.
Elles se sont envolées !... J’ai placé mon espérance en toi, divin Médiateur, et j’ai chanté l’hymne de l’alliance nouvelle. Me voici arrivé au terme de cette redoutable carrière, car j’ai placé mon espérance en toi, divin Médiateur !
Friedrich Gottlieb KLOPSTOCK.
Traduit de l'allemand par Jean Nida.