Aux champs

 

 

Sur le bord du chemin, à l’ombre d’un chêne,

Je m’assieds. Mon regard plonge au loin dans la plaine

Où la brise, en passant sur les grands blés jaunis,

Fait, ainsi qu’une mer, ondoyer les épis.

Nous sommes en plein août et le soleil torride

En un vaste brasier change la lande aride.

Dans la forêt pourtant, merles, linots, pinsons,

Chantonnent à l’envi leurs plus folles chansons.

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Ce contraste m’émeut. Je me prends à songer

Aux maux qui tant de fois viennent nous affliger ;

Voyant combien parfois dure est notre existence,

Je t’accuserais presque, ô sainte Providence.

Le plaisir, la douleur tour à tour ici-bas,

Illusion, chagrin, s’attachent à nos pas.

Libres, dès le berceau, obsessions pénibles ;

Quelques-uns mollement coulent des jours paisibles,

Mais d’autres, combattant la misère, la faim,

Trouvent le ciel de fer et la terre d’airain.

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Taisons-nous, taisons-nous ; que l’humaine sagesse

Courbe le front, Seigneur, qu’ose notre faiblesse ?

Qu’est-ce que se permet notre pauvre raison,

Ne pouvant dépasser cet étroit horizon ?

Heureux qui s’élevant vers l’éternelle sphère,

Sc résigne oubliant sa terrestre misère.

 

 

 

KOLL.

 

Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.

 

 

 

 

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