Jamais la paix
Jamais, jamais la paix dans cette grande ville
Ou dans mille bas-fonds grouille une plèbe vile,
Où sous des lambris d’or, de nombreux opulents
Des sévères vertus n’ont que de froids semblants.
Ô Paris, tu n’es pas l’asile des poètes :
Chez toi toujours pour eux mugissent les tempêtes :
Et loin de saluer le nimbe de leur front,
Sur les déshérités tu fais tomber l’affront ;
Car je n’appelle pas des princes de la lyre
Ces chantres déhontés que cherche ton sourire,
Pour avoir entendu leurs accords libertins
Célébrer l’impudeur et les libres festins.
Ô toi dont l’âme voit un ange dans la muse,
Viens ; ailleurs est la paix que Paris te refuse.
Désertons la cité, poète ; viens aux champs
Où du moins la nature écoutera tes chants,
Où calmes sont les jours, où les nuits sont sereines,
Où tout est rayon d’or, parfums, pures haleines,
Silence, amour, douceur, aménité, repos ;
Où toujours à nos voix s’éveillent les échos,
Où l’œil peut à son gré se plonger dans l’espace,
Où le chagrin au front ne laisse point de trace ;
Viens, chantre, et que ta lyre exhale vers les cieux,
Comme un suave encens, ton vers religieux.
Et que t’importe à toi la gloire, la fortune,
Vains hochets, dont parfois le trop-plein importune,
Et qu’hélas ! en nos jours souvent un homme fort
N’obtient qu’en outrageant la vertu qui s’endort
Dans son âme ?... Le barde est un esprit céleste
Vénérant le Seigneur, tenant pour rien le reste.
C’est à lui de briser tout terrestre lien,
Pourvu qu’au fond du cœur, Dieu lui dise : C’est bien.
J. KOLL.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1859.