Destin des arbres

Au commencement Dieu créa les arbres...

Troupe innombrable des essences,

Tous les troncs et toutes les branches,

Toutes les feuilles, tous les rameaux...

Et quand Il les vit bruire au gré du vent nouveau,

Il leur dit le mot de leur destinée :

« Tu seras la bière... et toi le berceau.

Toi, tu seras la coque étanche d’un vaisseau.

Tu seras trône... et toi le lit de l’épousée.

Toi, tu seras le bloc où l’artisan mystique

Creusera le sourire ailé d’un saint gothique.

Et toi... simple perchoir pour les oiseaux chanteurs.

Toi... l’ombre tutélaire au front las du rêveur.

Tu te consumeras, flamme ardente, feu clair,

Lumière dans la nuit et chaleur des hivers.

Tu seras violon aux pures harmonies.

Et toi, le pont qui fait les deux rives unies »...

Un grand arbre noir, dressé à l’écart

Attendait vainement : – « Et moi, Seigneur, et moi ?...

– Toi, lui répondit Dieu, toi... tu seras la Croix... »

Simone KUHNEN DE LA CŒUILLERIE,

Audi Voces silentii, 1957.

Recueilli dans

La nouvelle poésie belge d’expression française,

anthologie 1950-1960,

préfacée par Pierre-Louis Flouquet,

Unimuse, 1961.