Air de musette devant la crèche
Bonjour, Dame Marie, en prière jolie,
Bonjour, Monsieur Joseph, à la barbe fleurie,
Salut, gros bœuf, touchant calorifère
Du petit Jésus (qui se laisse faire),
Toi, l’âne aux doctes oreilles qui voilent
De leur ombre les fragiles étoiles
De cristal, et vous, les moutons de plâtre
Qui broutez la colline en carton-pâte,
Vous, les bergers mal fichus qui de près
Sentez encore votre vernis frais,
Et vous, les mages bariolés là-bas
Qui faites semblant mais n’avancez pas !
Hé ! moi aussi je suis un mage...
Oh ! pas comme sur les images !
Un mage au gris plumage
Et au triste ramage,
Dont les pleurs des orages
Ont déteint le visage ;
Un mage pas trop sage
Et quelque peu volage,
Épris en son jeune âge
Moins de pèlerinages
Que de vagabondages ;
Un mage, petit personnage,
N’arrivant pas, traînant bagage,
D’un long voyage en équipage,
(À vrai dire : du voisinage !) ;
Un nouveau mage,
Sans cadeau,
Sans chameau,
Malgré l’usage ;
Un mage d’occident,
Qui ne sait de l’orient
Que ses rêves d’enfant ;
Un mage doucement bête
En astronomie,
Et que jamais on ne fête
À l’Épiphanie ;
Pas savant,
Pour avoir dormi à l’école
Et musé dans les herbes folles
Trop souvent ;
Donc, ni savant ni astronome,
Ni dans la lune le bonhomme ;
N’éveillant guère les gros tomes,
N’ayant jamais pu mettre
Un œil à la lunette,
Une queue aux comètes ;
Qui s’imagine encor
Que les étoiles d’or
Ont de petites pattes
Et que la terre est plate,
Même très plate ;
Un mage qui n’a rien en partage,
Et voilà son unique apanage ;
Un mage qui perdit, un jour, dans les nuages
Son étoile, sa belle étoile, – et c’est dommage !
Un mage
Seulement pour dire,
Un mage
Seulement pour rire ;
Un mage
(Un berger, n’importe quoi !)
Sans brocart, sans diadème,
Afin de n’être plus moi,
C’est-à-dire bien moi-même ;
Qui a trouvé enfin le modeste village,
Puis, dans une étable, l’humble et divin ménage,
Pour offrir de son mieux aux parents ses hommages,
Sans badinage,
Et à vous, Enfant-Dieu, son naïf témoignage,
Sa peine de ne pas vous aimer davantage,
Sans alliage,
En vrai mage,
Toi, si petit
Et si gentil
Sur la paille
Que j’en braille !
Hélas ! je suis un pauvre mage,
(Oh ! pas comme sur les images !)
Et je n’ai encens ni or,
Comme Gaspar puis Melchior
Et puis Balthasar
Avant leur départ
Autrefois vous en offrirent,
Mais peut-être un peu de myrrhe.
Edmond LABELLE, La quête de l’existence,
suivi de Récitatifs, Fides.