Tercets

 

 

Mon âme te cherchait, sans même te connaître,

Jour après jour, ainsi qu’un fleuve l’océan,

Toi, la source et la mer, et l’être de mon être.

 

Mon âme simulait d’entonner son péan,

Mais t’invoquait en songe, aux cimes solennelles

De gloire et de tendresse – où bâillait le néant.

 

Affranchi, je tramais, choyé par tes prunelles,

La serve liberté, pour quels festins d’ennui,

Moi le gueux invité aux noces éternelles !

 

Moi ! mystère du moi révélé... moi ? pour lui !

Science et sûr tourment dans la trompeuse aurore

Du sacre vespéral. Terre étrange la nuit.

 

De l’excès de son nard que se brise l’amphore !

Oh ! fuyons : le chemin par où venu !... Enfant

Pleurant son désespoir et le nom qu’il ignore.

 

 

 

Tu passas près de moi, plus noble qu’un infant,

Le long de ma jeunesse, ô Toi, Toi, ô réponse !

Beauté, je me prosterne ! À l’Amour triomphant !

 

Se niant, la fougère avec grâce dénonce,

Et toute créature en son geste essentiel,

Un frôlement divin ; – du sang sur une ronce !

 

Mais que faire ? où est-il ? Par ce sentier de miel

Surprendre un pas ami, au détour prochain ! Tente,

Anxieux, les hasards de forêts : vers le ciel

 

Des clairières peut-être a-t-il dressé sa tente ?

... Je me souviens, ô Lac des Lys, du seul matin

Qui ne fut pas amer : La montagne éclatante

 

Suspendue entre un double abîme de satin

Aux branches du mélèze héraldique où s’élance

Un vol de nymphéas se dorait, clandestin,

 

D’un sourire du Père ; aspire ce silence,

– Qu’un jour informera sa voix, – remémorant

Le sort futur, trahir sa douce vigilance...

 

 

 

Or quand de solitude en solitude errant,

J’atteindrai mon dernier val, alors que dirai-je,

Plein d’un songe indistinct, et de désir mourant ?

 

Que saurai-je écouter, sourd à tout sortilège,

Que ton approche ? voir, sinon ces pieds, ces mains

Percés, ce cœur béant ? Quel autre privilège

 

Espérerait mon âme, après tant de chemins

Marchés ? renaître, vivre au seuil de ton royaume !

Dépris de ce qui n’est pas toi, sans lendemains,

 

(Las ! près de la maison coutumière, l’arôme

Des champs qu’on a fauchés, oui, c’était bon cela !)

Ah ! je sens que tu viens – comme le soir embaume ! –

 

Conforter l’indigent dans son angoisse... Il a

Souvent failli, ô Christ, mais cru en ton message.

Romps ce faible lien... et puisque tu es là,

 

Ô Maître bien-aimé, montre-moi ton Visage !

 

 

 

Edmond LABELLE, La quête de l’existence,

suivi de Récitatifs, Fides.

 

 

 

 

 

 

 

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