L’église du Folgoët
Là, jadis se dressait, sombre, un vieux bois celtique,
Dans les arbres le fol Salaün se berçait,
Priant Jésus, Marie, et les saints d’Armorique ;
Et comme un chant d’oiseau plaintif, son doux cantique
Des grands chênes moussus, nuit et jour, s’envolait.
Il mourut là, chantant toujours, et, sur sa tombe,
De son cœur même on vit tout à coup émergeant
Un lis, plus pur, plus blanc que la blanche colombe,
Hautainement dresser sa fleur d’or et d’argent.
Le vieux bois est rasé, la pauvre tombe est vide,
Depuis longtemps, hélas ! le lis est effeuillé.
Ô miracle ! cent fois plus haut et plus splendide,
Un autre lis fleurit le sol émerveillé.
Non un lis, mais plutôt, fière sous sa couronne,
Une rose enlacée à maint tendre bouton,
Éclose aux doux rayons de la piété bretonne,
Épanouie aux purs sommets de l’art breton.
Ô rose du Folgoët aux mystiques corolles,
Enchantement des yeux, de l’esprit et du cœur,
Merveille du Léon, où prendre des paroles
Pour dire ton parfum, ton charme, ta splendeur ?
Il faut te voir !... il faut voir tes fines dentelles
De pierre ouvrée à jour, tes fleurons, tes festons,
Broderie à l’aiguille, et ces guirlandes frêles
Où la vigne s’enroule aux feuilles des chardons.
Il faut voir le jubé gardien du sanctuaire ;
Le guide vous dira que c’est du Kersanton.
N’en croyez rien, il ment... C’est du point d’Angleterre !
Jamais reine n’en eut de tel à son jupon.
Et le porche, où, songeurs, yeux baissés, front austère,
Leur barbe descendant en ondes sur leur sein,
Les apôtres, ligués pour conquérir la terre
En semant Jésus-Christ au cœur du genre humain,
Sont là, prêts à partir, le bâton à la main !
Il faut voir les autels aux sveltes arcatures,
Aux anges chevelus, aux blasons curieux.
Il faut voir les méneaux, les tympans en guipures,
Aux fenêtres, dardant leurs trèfles radieux.
Il faut tout voir ici, car tout est admirable ;
Tout est fin, ciselé, gravé, comme un bijou.
La pierre ici vaut l’or. Chef-d’œuvre incomparable,
Né du lis qu’engendra le cœur du pauvre fou !
Arthur de LA BORDERIE.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.