Dans la tempête
J’entends siffler le vent, le vent de la montagne...
La nuit sera terrible ; et ceux qui sont là-bas.
Sans feu, loin des voisins, ne trembleront-ils pas.
Au sifflement du vent, du vent de la montagne ?...
Les arbres dépouillés sont tordus et s’écrasent ;
Les toits fléchissent, lourds de neige et de glaçons,
Et les enfants, hagards, grelottent de frisson,
Quand, tordus par le vent, les grands arbres s’écrasent.
Il fait noir ; des chemins on ne voit plus la trace...
Deux hommes, père et fils, haletants et meurtris,
S’égarent, et personne, hélas ! n’entend leurs cris...
Dans les chemins « boulants » on ne voit plus leur trace.
Les voyageurs perdus errent à l’aventure ;
Des femmes tout en pleurs invoquent Dieu pour eux :
« Sauvez, ô Dieu puissant, de l’ouragan affreux.
Les voyageurs perdus errant à l’aventure ! »
Vont-ils périr ainsi, gelés, dans la tempête,
Marchant sans retrouver la route du foyer ?...
... Ils tombent, demi-morts, l’un sur l’autre appuyé.
Pour périr loin des leurs, gelés, dans la tempête...
La rafale obscurcit encor la nuit sans lune ;
La « poudrerie » élève, accumule en gros « bancs »
La neige qui tournoie, échevelée, au vent...
La rafale obscurcit la nuit, la nuit sans lune.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais dans une « éclaircie » à leur secours on vole ;
Il est temps ! Épuisés, ils dorment engourdis...
Levant vers leurs sauveurs des yeux appesantis.
Dans l’« éclaircie » ils voient qu’à leur secours on vole.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le vent souffle toujours, le vent de la montagne...
Auprès des lits bien chauds où sont les voyageurs,
La femme et les petits remercient le Seigneur...
Et le vent souffle encor, le vent de la montagne...
Arthur LACASSE, Saint-Tite-des-Caps, février 1916.
Paru dans Le Parler français, bulletin de la Société
du Parler français au Canada, en février 1916.