Prière à Dieu
Être immense en bonté,
Dieu tout-puissant,
Je viens à vous dans ma douleur pressante,
Étendez votre bras et déchirez
L’odieux voile de la calomnie,
Arrachez la marque d’ignominie
Par quoi le monde veut souiller mon front.
Vous, Roi des rois, Vous, Dieu de mes ancêtres,
Vous seul, Seigneur, êtes mon défenseur.
Qui a donné ses flots à l’océan
Et ses poissons, et leur lumière aux cieux,
Et son feu au soleil, à l’air son mouvement,
Leur vie aux plantes, leur cours aux rivières,
Peut Tout. À votre voix sacrée, tout meurt
Ou tout renaît et tout n’est, hors de vous,
Que néant qui s’abîme en l’insondable
Éternité ; mais ce néant lui-même
Vous obéit, vous en avez tiré
L’être et l’humanité, vos créatures.
Je ne peux vous mentir, Dieu de clémence.
Comme au travers d’un cristal transparent,
Votre éternelle sagesse découvre
Au travers de mon corps, mon âme même.
Faites alors que de mon innocence
Ne puisse triompher la calomnie.
S’il plaît pourtant à ta toute-puissance
Que je périsse tel pervers impie,
Que les hommes outragent ma dépouille
Se complaisant à leur malignité,
Fais-en retentir l’arrêt par ta voix :
Que ta volonté soit faite, ô mon Dieu.
Gabriel de LA CONCEPCIÓN VALDÉS.
Traduit par Mathilde Pomès.
Recueilli dans Anthologie de la poésie ibéro-américaine,
Choix, introduction et notes de Federico de Onis,
Collection UNESCO d’œuvres représentatives, 1956.