À Madame de Lamartine
Toujours, quand je reviens près des lieux qu’il habite,
Sous ses tressaillements mon cœur ému palpite :
Des vers, se répétant de l’automne à l’été,
Se lèvent sous mes pas dans son vallon fêté,
Et chacun des buissons, entourant sa demeure,
Berce avec son oiseau sa strophe intérieure.
Aussi, semblable au vent qui, frôlant leur tapis,
Dans un champ fécondé balance les épis,
L’air qu’on respire ici, parfum, fraîcheur ou flamme,
Fait vibrer, fait prier les cordes de toute âme ;
Et moi-même, vingt fois, presque sans m’en douter,
J’y chantais... imprudent, qui pouvais écouter !
Alors, dans ces refrains envoyés sous la porte,
Un nom venait, doux non qu’en haut un hymne emporte,
Et qui veut dire en bas : Espoir chez les souffrants,
Amour chez les petits et gloire chez les grands !
C’est le vôtre, madame. Eh ! pourquoi le tairai-je ?
Ce n’est point pour tenir les pinceaux du Corrège,
Ce n’est point pour créer, récolte sans péril,
Les fleurs tous les matins, comme le jeune Avril ;
Ce n’est point pour laisser en lumineuse trace
Les éclairs de l’esprit, les reflets de la grâce,
Que vous avez conquis votre immortalité !
Non ! pour d’autres desseins Dieu sur vous a compté.
Vous avez, route ardue et par vos pas bénie,
Sans descendre jamais, côtoyé le génie.
Conseillère du bien, c’est sur vous qu’aux grands jours
Il s’appuyait, héros par l’acte et le discours !
Et le pays sauvé voyait de loin, sans voile,
Une zone d’amour entourant son étoile !
Mais, pour être inspirée et raffermir vos pas,
Vous n’avez pas besoin de veilles de combats.
Le pain quotidien qui nourrit votre vie,
C’est la bonne action commencée et suivie,
C’est le zèle éternel d’une âme où souffle Dieu !
C’est la fraternité qui fait qu’en chaque lieu
Vous accueillez la voix qui prie ou désespère,
Quelle que soit la langue où parle sa prière !
Aussi, permettez-moi, lorsque quittant vos toits,
Je regarde le soir s’allonger sous les bois,
D’applaudir la vertu, de même que la gloire,
Et d’enchâsser deux noms dans la même mémoire !
Saint-Point, septembre 1836.
Henry de LACRETELLE.
Paru dans L’Austrasie en 1858.