À Marceline Desbordes-Valmore
Toi qui sus la tristesse et l’angoisse d’aimer,
Et, malgré la souffrance où tu restas clémente,
Voulus, dans l’écrin d’or des rimes, renfermer
Tout ce qu’avait rêvé ton noble cœur d’amante,
Voici que ta louange exalte un chœur puissant,
Et que nous saluons, tels qu’au nom de l’Histoire,
Le bronze qui t’érige aux regards du passant,
– Voici de pauvres vers pour fleurir ta mémoire.
Tu n’as vu le bonheur qu’au travers de tes pleurs,
Mais lorsque se mourait ton âme aux solitudes,
L’écho t’a rapporté, pour sacrer tes douleurs,
Le long sanglot d’amour qui vient des multitudes.
Laisse ma voix chercher la tienne pour soutien,
Ta plus tendre romance en moi se remémore,
Et mon chant se module au rythme ému du tien,
Ô douce Marceline, ô Desbordes-Valmore !
Femme qui pria,
D’espérance veuve,
Femme qui pria
Et s’agenouilla,
Et dit en tremblant,
Sous l’amère épreuve,
Et dit en tremblant
Son rêve troublant ;
De l’éternité
Où l’heure s’engouffre
De l’éternité
Pour toi de clarté,
Et rends le soupir
De l’amour qui souffre,
Entends le soupir
D’un cœur pour mourir,
Entends les doux vœux
De la vierge éprise,
Entends les doux vœux
Qui sont des aveux
Et que monte à toi,
Dans un vol de brise,
Et que monte à toi
Cet hymne de foi !
Car tu règnes – selon la gloire et ton génie –
Au ciel resplendissant des Poètes-élus
Dont l’œuvre de ferveur puissante et d’harmonie
Laisse une clarté d’aube aux temps qui ne sont plus.
Le verbe a tressailli pour toi dans le murmure
Du vent des soirs d’automne alanguis et profonds,
Où l’ombre qui s’épanche appesantit nos fronts
– Et tu seras bénie, en ta douleur obscure,
Puisque ton chant d’amour, doucement attendri
Comme une voix de sœur divine ou bien de mère,
Aide à pleurer ceux-là dont le grand cœur meurtri
Dérobe une blessure inguérissable et chère ;
Et que tu sus les mots d’ineffable bonté
Qui, jaillis de ta bouche en plainte harmonieuse,
Nous font une âme plus ardente et plus pieuse,
Par leur grâce touchante et leur simplicité ;
Et que tu fus la pauvre amante désolée,
Dont les yeux sont emplis d’un éternel adieu,
Et dont le geste las, vers la joie en allée,
Pardonne à la souffrance et se lève vers Dieu !
Adolphe LACUZON.
Paru dans la Revue septentrionale en 1896.