Brouillards
J’ai vu monter vers les sommets
Le brouillard qui couvrait la plaine :
Il envahit l’alpe sereine,
Ses bois, ses troupeaux, ses chalets.
Alors, la cime grandiose
S’enveloppa de ce linceul,
Et le nuage régna seul
Sur le glacier gris et morose.
Adieu donc l’or, et le soleil
Dont rayonnait le paysage !
On eût dit que le pâturage
S’endormait d’un triste sommeil.
Et, songeant aux flots de lumière
Que l’astre, toujours radieux,
Versait pourtant du haut des cieux
Comme pour sourire à la terre,
Je me disais : « Quand sur nos pas
Nous voyons s’étendre des ombres,
Nos tristesses, nos heures sombres,
Tous nos brouillards viennent d’en bas. »
Maurice LADOR.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.