Le Christ

 

 

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on souffre : la terre

À toujours vu la faim errer devant la mort,

Et les hommes de proie à la chasse de l’or

Aider la peste par les gibets et la guerre.

 

Nos aînés, certe, ont vu plus hideuse misère,

Plus féroce impudeur de la dent du plus fort,

Et de ces glèbes, d’où la fleur paisible sort.

Pas une qui n’exhale odeur de cimetière.

 

Mais lorsque, détachant de leur enfer les yeux,

Les malheureux voyaient, doigt levé vers les deux,

Le grand ressuscité décloué du Calvaire,

 

Nu, sanglant, décharné, radieux, – les maudits,

Larves de l’ombre, mais l’âme dans la lumière,

Ne sentaient plus leurs maux, rêvant de paradis.

 

 

Jean LAFARGUE.

 

Paru dans L’Année poétique en 1906.

 

 

 

 

 

 

 

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