Volonté
Si Dieu me disait : « Veux-tu qu’en ton rêve
Te berce à jamais la plus douce voix,
Celle de la mer caressant la grève,
Celle du printemps réveillant les bois ? »
Je répondrais : « Non ! J’aime aussi la pluie,
Les sanglots du vent dans les nuits d’hivers.
Le bonheur trop calme, hélas ! nous ennuie :
Un beau chant se fait d’instruments divers. »
Si Dieu me disait : « Traverse les nues ;
Dans mon écrin bleu choisis sans effroi
L’astre le plus riche en fleurs inconnues ;
Veux-tu pour toujours en être le roi ? »
Je répondrais : « Non ! Je veux voir encore
Là-haut, si j’y vais, la lune aux bons yeux,
Ce cher vieux soleil que la terre adore :
Mon désir est vaste autant que tes cieux. »
Si Dieu me disait : « Veux-tu tout connaître ?
Veux-tu t’endormir, pour l’éternité,
Dans la vision heureuse de l’Être,
Dans l’enivrement de la vérité ? »
Je répondrais : « Non, non ! Je veux apprendre,
Apprendre sans fin par mon libre effort ;
Savoir est moins doux qu’avoir pu comprendre, –
Fais-moi seulement immortel et fort. »
Georges LAFENESTRE.
Paru dans L’Année des poètes en 1890.