Ayez pitié de nous, Seigneur
Ayez pitié de nous, Seigneur, pour l’abondance
Et la légèreté de toutes nos paroles,
Et l’effroi puéril du précieux silence
Où votre voix se fait entendre au cœur frivole.
Ayez pitié de nous pour notre insouciance
De l’heure qui nous est comptée et qui s’envole ;
Notre folie à vivre en cette indifférence
De l’amour qui pour nous chaque jour vous immole.
Ayez pitié de nous pour la triste inconstance
Qui nous fait délaisser vos bontés, et désole
Le cœur où de nouveau nous enfonçons la lance.
Ayez pitié de nous, du peu de complaisance
Que nous mettons à pénétrer la parabole,
Et de l’erreur facile, et de cette démence
De notre aveuglement sur votre divin rôle.
Ayez pitié, ayez pitié pour la science
Que nous pensons avoir ! Pour notre amour qui vole
De rose en rose, et toujours erre et se dépense,
Et ne sait pas venir à la seule corolle
Du lis mystique et pur où votre patience
L’accueillerait avec le geste qui console.
Ayez pitié de nous dans l’ombre ; de l’absence
De pénétration de notre esprit qu’isole
Le mystère profond de l’univers immense.
Ayez pitié de nous, du cœur faible qu’affole
La Mort, et qui près d’elle encore recommence
Les rêves où le plus ardent espoir s’élance.
Ayez pitié de nous, vous qui savez notre âme
Ouverte à tous les vents désastreux et cachés ;
Ayez pitié de nous par votre front penché,
Vous qui fûtes le fils douloureux d’une femme,
Qui voyez quelle pauvre et souffreteuse flamme
Veille en nous dans la nuit terrible du Péché !
André LAFON.
Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Œuvre Saint-Charles, 1937.