Dies Irae

 

 

Roi qui fais tout trembler devant ta majesté,

Qui sauves les élus par ta seule bonté,

Source d’actes bénins et remplis de clémence,

Souviens-toi que pour moi Tu descendis des cieux ;

Pour moi, te dépouillant de ton pouvoir immense,

Comme un simple mortel Tu parus à nos yeux.

 

J’eus part à ton passage : en perdras-Tu le fruit ?

Veux-Tu me condamner à l’éternelle nuit,

Moi pour qui ta bonté fit cet effort insigne ?

Tu ne t’es reposé que las de me chercher ;

Tu n’as souffert la croix que pour me rendre digne

D’un bonheur qui me puisse à toi-même attacher.

 

Tu pourrais aisément me perdre et te venger.

Ne le fais point, Seigneur ; viens plutôt soulager

Le faix sous qui je sens que mon âme succombe.

Assure mon salut, dès ce monde incertain ;

Empêche malgré moi que mon cœur ne retombe,

Et ne te force enfin de retirer ta main.

 

Avant le jour du compte efface entier le mien.

L’illustre pécheresse, en présentant le sien,

Se fit remettre tout par son amour extrême ;

Le larron te priant fut écouté de toi.

La prière et l’amour ont un charme suprême.

Tu m’as fait espérer même grâce pour moi.

 

Je rougis, il est vrai, de cet espoir flatteur ;

La honte de me voir, infidèle et menteur,

Ainsi que mon péché, se lit sur mon visage :

J’insiste, toutefois, et n’aurai point cessé

Que ta bonté, mettant toute chose en usage,

N’éclate en ma faveur et ne m’ait exaucé.

 

Fais qu’on me place à droite au nombre des brebis ;

Sépare-moi des boucs réprouvés et maudis.

Tu vois mon cœur contrit et mon humble prière ;

Fais-moi persévérer dans ce juste remords ;

Je te laisse le soin de mon heure dernière,

Ne m’abandonne pas quand j’irai chez les morts.

 

 

 

Jean de LA FONTAINE.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net