Les pauvres hommes...
Les pauvres hommes, sur la terre,
Bien des maux souffrent à la fois :
Les maux qu’on dit, ceux qu’il faut taire,
Ceux d’aujourd’hui, ceux d’autrefois ;
Aux choses mortes et passées
Souvent retournent nos pensées :
Des lèvres par la mort glacées
Sortent encor de mornes voix !
Tout porte en soi quelque souffrance :
Nous redoutons un souvenir,
Nous n’osons croire à l’espérance,
Et nous craignons pour l’avenir ;
Vers les félicités perdues,
Vers les tendresses attendues,
Nos mains, également tendues,
Ne savent jamais rien tenir !
C’est pour cela que Dieu, sans doute
Voulant adoucir nos chagrins,
Sème toujours sur notre route
Les rêves d’or à pleines mains,
Et dans nos cœurs et sur nos vies,
Donnant le vol aux fantaisies,
Pose les douces poésies
Dont la voix chante en nos chemins !
Louis LAFON.
Paru dans Poésie, 11e volume
de l’Académie des muses santones, 1888.