Dieu

 

 

Cet astre universel, sans déclin, sans aurore,

C’est Dieu ; c’est ce grand tout qui soi-même s’adore !

Il est ; tout est en lui : l’immensité, les temps,

De son être infini sont les purs éléments ;

L’espace est son séjour, l’éternité, son âge ;

Le jour est son regard, le monde est son image ;

Tout l’univers subsiste à l’ombre de sa main :

L’être à flots éternels découlant de son sein,

Comme un fleuve nourri par cette source immense,

S’en échappe, et revient finir où tout commence.

Sans bornes, comme lui, ses ouvrages parfaits

Bénissent en naissant la main qui les a faits !

Il peuple l’infini chaque fois qu’il respire :

 

    Pour lui, vouloir c’est faire ; exister, c’est produire !

Tirant tout de soi seul, rapportant tout à soi,

Sa volonté suprême est sa suprême loi !

Mais cette volonté, sans ombre et sans faiblesse,

Est à la fois puissance, ordre, équité, sagesse ;

Sur tout ce qui peut être il l’exerce à son gré :

Le néant jusqu’à lui s’élève par degré.

Intelligence, amour, force, beauté, jeunesse,

Sans s’épuiser jamais, il peut donner sans cesse,

Et comblant le néant de ses dons précieux,

Des derniers rangs de l’être il peut tirer des dieux !

Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance,

Mesurent d’eux à lui l’éternelle distance ;

Tendant par leur nature à l’être qui les fit,

Il est leur fin à tous, et lui seul se suffit !

 

    Voilà, voilà le Dieu que tout esprit adore,

Qu’Abraham a servi, que rêvait Pythagore,

Que Socrate annonçait, qu’entrevoyait Platon ;

Ce Dieu que l’univers révèle à la raison,

Que la justice attend, que l’infortune espère,

Et que le Christ enfin, vint montrer à la terre !

Ce n’est plus là ce Dieu par l’homme fabriqué ;

Ce Dieu par l’imposture à l’erreur expliqué ;

Ce Dieu, défigura par la main des faux prêtres,

Qu’adoraient en tremblant nos crédules ancêtres.

Il est seul, il est un, il est juste, il est bon :

La terre voit son œuvre, et le ciel sait son nom !

 

    Heureux qui le connaît, plus heureux qui l’adore !

Qui tandis que le monde ou l’outrage ou l’ignore,

Seul, aux rayons pieux des lampes de la nuit,

S’élève au sanctuaire où la foi l’introduit,

Et, consumé d’amour et de reconnaissance,

Brûle, comme l’encens, son âme en sa présence !

Mais pour monter à lui, notre esprit abattu

Doit emprunter d’en haut sa force et sa vertu.

Il faut voler au ciel sur des ailes de flamme :

Le désir et l’amour sont les ailes de l’âme.

 

 

 

Alphonse de LAMARTINE.

 

Recueilli dans Choix de poésies

ou Recueil de morceaux propres à orner la mémoire

et à former le cœur, 1826.

 

 

 

 

 

 

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