Hymne au Christ
Verbe incréé, source féconde
De justice et de liberté,
Parole qui guéris le monde,
Rayon vivant de vérité,
Est-il vrai que ta voix d’âge en âge entendue,
Pareille au bruit lointain qui meurt dans l’étendue,
Va plus pour nous guider que des sons impuissants,
Et qu’une voix plus souveraine,
La voix de la parole humaine,
Étouffe à jamais tes accents ?
Mais la raison, c’est toi ; mais cette raison même,
Qu’était-elle avant l’heure où tu vins l’éclairer ?
Nuage, obscurité, doute, combat, système,
Flambeau que notre orgueil portait pour s’égarer !
Tu parais ! ton verbe vole,
Comme autrefois la parole
Qu’entendit le noir chaos
De la nuit tira l’aurore,
Des cieux sépara les flots,
Et du nombre fit éclore
L’harmonie et le repos.
Ta parole créatrice
Sépare vertus et vice,
Mensonges et vérité ;
Le maître apprend la justice,
L’esclave la liberté,
L’indigent le sacrifice,
Le riche la charité !
Un Dieu créateur et père,
En qui l’innocence espère,
Prières françaises modernes
S’abaisse jusqu’aux mortels ;
Sa prière qu’il appelle
S’élève à lui libre et belle,
Sans jamais souiller son aile
Des holocaustes cruels.
Nos iniquités, nos crimes,
Nos désirs illégitimes,
Voilà les seules victimes
Qu’on immole à ses autels !
L’immortalité se lève,
Et brille au-delà des temps ;
L’espérance, divin rêve,
De l’exil que l’homme achève
Abrège les courts instants ;
L’amour céleste soulève
Nos fardeaux les plus pesants ;
Le siècle éternel commence,
Le juste a sa conscience,
Le remords son innocence ;
L’humble foi fait la science
Des sages et des enfants.
LAMARTINE, Harmonies poétiques et religieuses, 1859.
Recueilli dans Cinq mille ans de prière,
textes choisis et présentés par Dom Pierre Miquel,
Desclée De Brouwer, 1989.