Hymne d’un mourant

 

 

Élève-toi, mon âme, au dessus de toi-même,

       Voici l’épreuve de ta foi !

Que l’impie assistant à ton heure suprême

Ne dise pas : Voyez, il tremble comme moi !

 

La voilà cette heure suivie

Par l’aube de l’éternité,

Cette heure qui juge la vie,

Et sonne l’immortalité !

 

Oui, tu meurs ! déjà ta dépouille

De la terre subit les lois,

Et de la fange qui te souilla

Déjà tu ne sens plus le poids :

Sentir ce poids, c’était vivre !

Et le moment qui te délivre,

Les hommes l’appellent mourir !

Tel un esclave, libre à peine,

Croit qu’on emporte avec sa chaîne

Ses bras, qu’il ne sent plus souffrir.

 

Ah ! laisse aux sens, à la matière,

Ces illusions du tombeau !

Toi, crois-en à ta vie entière,

À la foi qui fut ton flambeau !

Crois-en à cette soif sublime,

À ce pressentiment intime

Qui se sent survivre après toi !

Meurs, mon âme, avec assurance ;

L’amour, la vertu, l’espérance,

En savent plus qu’un jour d’effroi !

 

Triomphe donc, âme exilée ;

Tu vas dans un monde meilleur,

Où toute larme est consolée,

Où tout désir est le bonheur !

Où l’être, qui se purifie,

N’emporte rien de cette vie

Que ce qu’il a d’égal aux dieux,

Comme la cime encore obscure

Dont l’ombre décroît à mesure

Que le jour monte dans les cieux.

 

Encore une heure de souffrance,

Encore un douloureux adieu !

Puis, endors-toi dans l’espérance,

Pour te réveiller dans ton Dieu !

Tel, sur la foi de ses étoiles,

Le pilote, pliant ses voiles,

Pressent la terre sans la voir,

S’endort en rêvant les rivages,

Et trouve, en s’éveillant, des plages

Plus sereines que son espoir.

 

 

 

Alphonse de LAMARTINE.

 

Recueilli dans

Recueil gradué de poésies françaises,

par Frédéric Caumont, 1847.

 

 

 

 

 

 

 

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