L’assemblée des aigles

Rex et centrum omnium cordium.

Comme les bons oiseaux s’assemblent dans les seigles,

Pour rire et pour aimer et pour manger les herbes,

Ainsi dans les grands jours, sur les plateaux superbes,

Là où sera le Corps s’assembleront les Aigles.

Comme l’oiseau de mer s’abat sur la batture

Pour avoir son festin et pour fouir son nid,

Ces animaux de l’air qui battent l’infini

S’assembleront pour leur amour et leur pâture.

Ils chercheront le lieu ouvert sur les plateaux,

Car ils sont nés de l’air et de l’éternité ;

Ils n’iront pas au corps convoité des corbeaux,

Car leur goût est meilleur et leur fraternité.

Ils se réuniront autour de cette Espèce

Que seul peut voir d’en haut l’œil pareil au soleil,

Ils n’ont pas été faits d’une lumière épaisse,

Leur regard n’est pas né d’un astre de sommeil.

Ils n’ont pas l’œil pesant d’une lumière humaine,

Ni la loupe sur l’œil ni le poids des paupières,

Ni la triste Raison sous sa lampe de peine

Comme une vieille assise au fond noir des chaumières.

Du plus haut des nuées, du pôle des espaces,

Ils descendront d’un vol d’éclair, les grands rapaces,

Ils fondront sur le Corps au signal de leur faim,

Mieux qu’un homme excité par le tourment du vin.

Ensemble ils tomberont autour du Corps léger,

Du Corps plus glorieux qu’un ange et qu’un nuage,

Du Corps très précieux sans mélange et sans âge.

Ils tomberont sur lui pour le boire et manger.

Ceux qui l’ont dédaigné pesaient trop sur la terre.

Ils n’étaient pas levés par le vent dans le ciel.

Ils n’avaient pas leur œil du côté du mystère

Et leur face oubliait le monde essentiel...

Mais les Aigles quand ils auront happé leur proie,

C’est alors qu’entre eux tous ils seront un seul aigle,

Un seul père, un seul fils, un seul souffle, un seul être,

Et leur Communion sera la paix des Rois.

Gustave LAMARCHE,

Poèmes du Nombre et de la Vie.