La foi
Cette foi qui m’attend au bord de mon tombeau,
Hélas ! il m’en souvient, plana sur mon berceau.
De la terre promise immortel héritage,
Les pères et les fils l’ont transmis d’âge en âge.
Votre esprit la reçoit à son premier réveil,
Comme les dons d’en haut, la vie et le soleil ;
Comme le lait de l’âme en ouvrant la paupière,
Elle a coulé pour nous des lèvres d’une mère ;
Elle a pénétré l’homme en sa tendre saison ;
Son flambeau dans les cœurs précéda la raison.
L’enfant, en essayant sa première parole,
Balbutie au berceau son sublime symbole
Et, sous l’œil maternel, germant à son insu,
Il la sent dans son cœur croître avec la vertu.
Ah ! si la vérité fut faite pour la terre,
Sans doute elle a reçu ce simple caractère ;
Sans doute, dès l’enfance offerte à nos regards,
Dans l’esprit par les sens entrant de toutes parts,
Comme les purs rayons de la céleste flamme,
Elle a dû dès l’aurore environner notre âme,
De l’esprit par l’amour descendre dans les cœurs,
S’unir au souvenir, se fondre dans les mœurs ;
Ainsi qu’un grain fécond que l’hiver couvre encore,
Dans notre sein longtemps germer avant d’éclore ;
Et, quand l’homme a passé son orageux été,
Donner son fruit divin pour l’immortalité.
Soleil mystérieux, flambeau d’une autre sphère,
Prête à mes yeux mourants ta mystique lumière !
Pars du sein du Très-Haut, rayon consolateur !
Astre vivifiant, lève-toi dans mon cœur !
Hélas ! je n’ai que toi : dans mes heures funèbres,
Ma raison qui pâlit m’abandonne aux ténèbres ;
Cette raison superbe, insuffisant flambeau,
S’éteint comme la vie aux portes du tombeau ;
Viens donc la remplacer, ô céleste lumière !
Viens d’un jour sans nuage inonder ma paupière,
Tiens-moi lieu du soleil que je ne dois plus voir,
Et brille à l’horizon comme l’astre du soir !
Alphonse de LAMARTINE,
La Foi, XXIe Méditation.
Recueilli dans Anthologie de la poésie catholique
de Villon jusqu’à nos jours, publiée et annotée
par Robert Vallery-Radot, Georges Grès & Cie, 1916.