Prière de l’enfant à son réveil

 

 

Père qu’adore mon père,

Toi qu’on ne nomme qu’à genoux,

Toi dont le nom terrible et doux

Fait courber le front de ma mère !

 

On dit que ce brillant soleil

N’est qu’un jouet de ta puissance ;

Que sous tes pieds il se balance

Comme une lampe de vermeil.

 

On dit que c’est toi qui fait naître

Les petits oiseaux dans les champs,

Et qui donne aux petits enfants

Une âme aussi pour te connaître.

 

On dit que c’est toi qui produis

Les fleurs dont le jardin se pare,

Et que sans toi, toujours avare,

Le verger n’aurait point de fruits.

 

Aux dons que ta bonté mesure

Tout l’univers est convié ;

Nul insecte n’est oublié

À ce festin de la nature.

 

L’agneau broute le serpolet,

La chèvre s’attache au cytise,

La mouche au bord du vase puise

Les blanches gouttes de mon lait ;

 

L’alouette a la graine amère

Que laisse envoler le glaneur,

Le passereau suit le vanneur,

Et l’enfant s’attache à sa mère.

 

Et, pour obtenir chaque don

Que chaque jour tu fais éclore

À midi, le soir, à l’aurore,

Que faut-il ? Prononcer ton nom.

 

Ô Dieu! ma bouche balbutie

Ce nom des anges redouté.

Un enfant même est écouté

Dans le chœur qui te glorifie !

 

On dit qu’il aime à recevoir

Les vœux présentés par l’enfance,

À cause de cette innocence

Que nous avons sans le savoir.

 

Ah ! puisqu’il entend de si loin

Les vœux que notre bouche adresse,

Je veux lui demander sans cesse

Ce dont les autres ont besoin.

 

Mon Dieu, donne l’onde aux fontaines !

Donne la plume aux passereaux,

Et la laine aux petits agneaux,

Et l’ombre et la rosée aux plaines ;

 

Donne au malade la santé,

Au mendiant le pain qu’il pleure,

À l’orphelin une demeure,

Au prisonnier la liberté ;

 

Donne une famille nombreuse

Au père qui craint le Seigneur ;

Donne à moi sagesse et bonheur,

Pour que ma mère soit heureuse !

 

Que je sois bon, quoique petit,

Comme cet enfant dans le temple,

Que chaque matin je contemple,

Souriant au pied de mon lit !

 

Mets dans mon âme la justice,

Sur mes lèvres la vérité,

Qu’avec crainte et docilité

Ta parole en mon cœur mûrisse !

 

Et que ma voix s’élève à toi

Comme cette douce fumée

Que balance l’urne embaumée

Dans la main d’enfants comme moi !

 

 

 

Alphonse de LAMARTINE.

 

 

 

 

 

 

 

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