Que suis-je ?

 

 

Oh ! que tes cieux sont grands ! et que l’esprit de l’homme

Plie et tombe de haut, mon Dieu ! quand il te nomme !

Quand, descendant du dôme où s’égaraient ses yeux,

Atome, il se mesure à l’infini des cieux,

Et que, de ta grandeur soupçonnant le prodige,

Son regard s’éblouit, et qu’il se dit : Que suis-je ?

Oh ! que suis-je, Seigneur ! devant les cieux et toi ?

De ton immensité le poids pèse sur moi,

Il m’égale au néant, il m’efface, il m’accable,

Et je m’estime moins qu’un de ces grains de sable,

Car ce sable roulé par les flots inconstants,

S’il a moins d’étendue, hélas ! a plus de temps

Il remplira toujours son vide dans l’espace

Lorsque je n’aurai plus ni nom, ni temps, ni place.

Son sort est devant toi moins triste que le mien

L’insensible néant ne sent pas qu’il n’est rien,

Il ne se ronge pas pour agrandir son être,

Il ne veut ni monter, ni juger, ni connaître ;

D’un immense désir il n’est point agité ;

Mort, il ne rêve pas une immortalité !

Il n’a pas cette horreur de mon âme oppressée,

Car il ne porte pas le poids de ta pensée.

 

 

 

Alphonse de LAMARTINE,

L’infini dans les cieux.

 

 

 

 

 

 

 

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