Songe en marge du silence

 

 

Me voici dépouillé de toute chose humaine.

Je viens avec ma seule âme

par les toutes diverses

où j’ai cheminé.

Vois, je porte la marque ardente des géhennes.

                     Je voudrais me reposer.

 

Lave les yeux pour voir mes plaies.

Pose ta prunelle claire sur le sang de mon cœur.

Écoute-moi, mes paroles sont vraies

et tu ne peux pas ignorer la douleur.

 

N’as-tu pas connu les lassitudes,

la terreur, la tristesse, respirantes la nuit ?

Les jours mauvais sont ensevelis.

La tendresse et l’espoir sont dans mes mains ouvertes.

 

Veux-tu te souvenir de la beauté des rythmes,

du rose de ta robe

Comme un lilas bruissant ?

Rends à ce souvenir une odeur de printemps

                     pour que je ne meure pas.

 

                     Peut-on mourir

                     d’un souvenir ?

                     On en meurt lentement

                     peut-être ?

Ah ! je voudrais te reconnaître

comme les exilés devant un paradis !

 

Dis-moi que tu comprends les phrases sans paroles

qui viennent du profond de mon être pensif.

Modèle mon esprit au feu superbe et vif

afin qu’il œuvre et crée pour la vie éternelle.

 

Penche ta grâce de muse,

de vestale et d’égérie

sur l’appel de mon geste qui se tourne vers toi.

Ne m’ôte pas le cœur, ne m’ôte pas la foi

que j’ai gardée du rêve où, tel, mon être s’use.

 

Or je triompherai, n’est-ce pas, de moi-même

puisque je crois, je crois, que j’espère et que j’aime !

Viens sur les chemins invisibles du songe.

Avec ta belle main, guéris ce qui me ronge,

 

et tu seras bénie entre toutes les femmes.

 

 

France LAMBERT.

 

Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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