À la France

 

 

C’est une entreprise bien hardie sans doute que celle d’écrire un poème en une langue étrangère. Mais l’auteur était incapable de résister à cet ordre impérieux qui le hantait. L’indulgence est nécessaire de la part du lecteur. Que je ne sois pas condamné. Ut desint vires, tamen est laudenda voluntas.

A. L.

 

 

 

Gloire à toi, chère France ! Oui, tu l’as, ta victoire.

Oui, il est arrivé enfin le jour de gloire

Oui, il est arrivé splendide et immortel !

Et la terre en sourit et rayonne le ciel...

C’est plus de quarante ans que ton cœur en silence

Méditait sa douleur... Dans un vœu, qui s’élance.

 

Or, ton heure a sonné ! Le barbare Teuton

Provoqua par son feu ta résurrection.

C’est dans son bois sacré que Némésis farouche

Décréta : à bas tout ce qui est faux et louche !

De nouveau, au tocsin triomphal, éclata

L’astre d’Ulm, d’Austerlitz, de Wagram, de Iéna.

 

 

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Un poète l’a dit : « Jésus-Christ en parlant :

Mangez, buvez ! voici ma chair, voici mon sang !

Peut-être a-t-il pensé la Pologne et la Gaule,

Pays de blé qui nourrit, pays de vin qui console !

La chair c’est la patrie, le sang – la liberté !

Elle revit encore cette fraternité,

Qui jadis unissait la Pologne et la France.

Nos blessures, c’est la victoire qui les panse.

 

 

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Que c’est beau la victoire ! Enchaîné à ce sol,

L’esprit ressuscité s’élance haut dans son vol.

Que c’est beau la victoire, où l’esprit en détresse,

Au tambour solennel, pour vivre se redresse

Et la foi qu’il avait en soi-même jadis,

Il la retrouve ! Il est vivifié, rajeuni.

Un avenir doré le suscite et le hante :

Et l’esprit redressé voit l’aurore et la chante.

Ayant vu des éclairs que nul n’a jamais vus,

Il lance des accents que nul n’a entendus.

 

 

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C’est toujours par les Francs que Dieu fait ses Iliades.

Dans le grand tourbillon de nouvelles croisades

Il appelle en avant toutes les nations

Qui marchent vers les jours radieux !

Leur glaive était puissant, noble était leur effort,

Sublime leur dédain du danger, de la mort.

Le sage d’outre-mer qui parle en vrai prophète :

Tous étaient beaux et grands – et la France à leur tête !

 

 

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Peuple choisi de Dieu entre tous, belle France,

Car il t’a couronnée de force et de puissance

En te couvrant pourtant de grâce et de douceur,

Et tu vaincs par ton glaive ainsi que par ton cœur.

Salut ! Que l’avenir soit pour toi de clarté,

Car de ton sang naîtra la suprême Cité !

 

Terrible et grandiose est l’ouvrage de l’Âme.

Parmi les flots de sang dans la nuit elle rame,

Dans le feu du canon elle fait son chemin :

Et cet enfer terrible est un enfer divin.

L’Esprit le veut ! La mort est bonne ménagère,

Qui couve des berceaux au sein du cimetière.

 

 

 

Antoni LANGE.

 

Quinze ans de poésie française à travers le monde,

Anthologie internationale,

textes rassemblés par J. L. L. d’Arthey,

France Universelle, 1927.